Moteur PE...

 

Publié par alain l.

il ou elle :   i,a,é,a... c'est un piège ...

Lu ce matin dans le Café Pédagogique :

" Selon l'AFP, le rectorat de Besançon a porté plainte contre la JRE pour détournement d'une vidéo réalisée par un collège de l'académie. L'enseignant avait invité un auteur de littérature jeunesse, Bernard Friot et réalisé avec les collégiens des vidéos inspirées de son oeuvre. Dans l'une d'entre elles, des élèves se rasent et se maquillent dans un mélange masculin / féminin. Pour la JRE , la vidéo prouve l'enseignement de la théorie du genre dans l'éducation nationale. Encadrée par des articles à la gloire de l'extrême droite, cet article de la JRE fait la promotion de la nouvelle journée de la JRE le 12 mai... "

La séquence pédagogique sur le site du Collège Edgar Faure de Valdahon

La vidéo incriminée , "il ou elle" , n'est plus accessible sur youtube ...

Censure ou auto-censure ???

Il ou elle

Choisir pour chaque verbe le pronom qui convient.

Il / elle s'enferme dans la salle de bains. Il / elle allume le néon au-dessus du miroir. Sur la tablette sont rangés : à droite, rasoir, mousse à raser, lotion après rasage ; à gauche, tubes de rouge à lèvre, fard à paupières, fard à joues, mascara...

Il / elle hésite un instant, puis tend la main vers la droite. Il / elle prend la bombe de mousse à raser, presse une grosse noix de mousse sur le bout de ses doigts et, maladroitement, s'en enduit les joues. Bien sûr, il / elle n'a pas de barbe, pas un poil, mais qui sait ?, peut-être que ça aide de faire semblant…Il / elle manie le rasoir avec précaution et, très vite, trouve le bon geste. La lame effleure la peau, sans la blesser. Rien d'étonnant après tout : il / elle a si souvent observé papa.

Après le rasage, l'après-rasage. Ça picote un peu.

Et maintenant ? Il / elle se regarde dans la glace. Il faut essayer autre chose. Le rouge à lèvres. Comment fait maman, déjà ? Il / elle avance les lèvres en les ouvrant pour dessiner un petit O et passe le bâton de rouge en s'appliquant, en essayant de ne pas déborder, comme lorsqu'il / elle colorie un dessin. Là. Puis il / elle pince les lèvres, les roule l'une sur l'autre, comme maman, exactement…

- Tu peux venir goûter, c'est prêt !

C'est sa mère qui appelle depuis la cuisine. Mais il / elle hausse les épaules. Il / elle n'a pas faim. Il / elle a mieux à faire que d'aller goûter. Il / elle noircit ses cils d'un peu de mascara, puis trace un trait de khôl sous chaque œil. Comme cela change son regard ! Il / elle a l'air d'un prince oriental. Ou d'une princesse.

Pourquoi se dessine-t-il / elle aussi, avec le crayon de khôl, une fine moustache ? Et pourquoi la corrige-t-il / elle en étalant une touche de fard sur ses paupières ? Il / elle ne sourit pas en faisant tout cela, on sent qu'il / elle s'applique, qu'il / elle cherche dans le visage que reflète le miroir quelque chose qu'il / elle ne trouve pas.

Il / elle regarde autour de lui / d'elle. Une cravate est accrochée au portemanteau fixé sur la porte. Il / elle la décroche et se la noue autour du cou. Puis, pour rétablir l'équilibre, il / elle pince à ses oreilles deux clips dorés trouvés dans la boîte à bijoux de sa mère.

- Dominique, tu te décides, oui ou non ?

Se décider ? Pourquoi, vraiment ? Il / elle se contemple dans la glace : rouge à lèvres, moustache, fard à paupières, cravate…Parfait, c'est parfait comme ça. Alors, non, il / elle ne décidera pas. Pas aujourd'hui, pas encore, en tout cas.

Bernard FRIOT, Histoires pressées

( Et  aussi des souvenirs merveilleux de notre première rencontre avec Bernard Friot à l'occasion du Printemps des Poètes 2008 y a déjà 6 ans ... )

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