j'ai décidé de vivre (10) ...
[...] Il ne faut pas croire que les handicapés relèvent des défis dans le seul dessein de recevoir l'admiration des valides, d'attirer leur attention et d'intégrer leur monde. Il est vrai que
les reportages télévisés montrent souvent des exploits sportifs réalisés par des handicapés qui font dire aux valides : "C'est incroyable, d'avoir une telle volonté dans cet état ! Par
comparaison, nous ne devrions pas nous plaindre de nos petits bobos."
Ce type de raisonnement est faux d'un bout à l'autre. Un handicapé qui décide de s'en sortir va tenter de faire des choses pour supporter de vivre avec son handicap dans un milieu de valides. Disposant de possibilités d'action peu étendues, il n'a pas droit à l'échec. Par ailleurs, les valides ne doivent pas avoir honte de leurs "bobos" face aux handicapés : ces bobos il les ressentiront toujours, comme nous éprouverons notre handicap : on ne peut pas avoir prise sur l'intensité ou la "justification" d'une douleur, d'une peine ou d'un malheur.
Il faut le dire également : il y a des handicapés qui ne s'en sortent pas, qui se laissent sombrer dans la folie, les médicaments. Certains même se suicident. Les déclics, les détonateurs, ces évènements parfois infimes qui font réagir, qui donnent le courage d'aller de l'avant, sont appelés à demeurer un mystère. Pourquoi fonctionnent-ils avec certains et pas avec d'autres? Même handicapés nous restons des êtres humains différents les uns des autres . Le handicap n'oblitère en aucun cas la personnalité . [...]
Extrait du livre de Philippe Croizon: "J'ai décidé de vivre"
Jean Claude Gawsewitch Editeur
Publié avec l'autorisation de l'auteur